horizons du kite

Publié le par roland thurel

Depuis maintenant 5 hivers, les journées de grand vent de froid ou de neiges ne sont plus synonymes de morosité pour le libériste que je suis. J’ai cédé sans retenue au plaisir du cerf-volant de traction ! Quelle luxure ! Nos neiges d’Aubrac, des causses ou autre Cévennes qui manquaient singulièrement de pente, deviennent aguicheuses et d’un attrait nouveau que je me suis empressé de découvrir.... pour vous et surtout pour moi.

                               DECOUVERTE

Tout ça c’est de la faute à Antoine Carreterro, sa passion du kite a été contagieuse, pour moi, comme pour beaucoup d’autres. L’inévitable plage de la Franqui fut le lieu de contamination. Après 3 jours là bas, on se tire bien la bourre en buggy dans une ambiance de camaraderie bon enfant (roue sur l’épaule du voisin à 50 km/h, queue de poisson, etc...) Vraiment très ludique. Très dur de s’arrêter le soir et c’est avec regret qu’on pose les lignes pour quitter ce beau terrain de jeu avec des images plein la tête : raids futurs dans le désert, randonnées en biplace avec ma petite famille, flysurf dans les vagues ou encore traversées à ski dans ces déserts hivernaux que sont l’Aubrac, le mont Lozère ou encore le Ceyzalier C’est une des magies du kite de se décliner en tant de pratiques différentes.

                            SATISFACTION

Après les séances d’entrainement indispensables, la neige se met à tomber et, c’est décidé, le plateau d’Aubrac aura la primeur. J’en rêve sur fond de vieux souvenirs de ski de fond , ça avait duré 5 jours : grands espace dénudés, fatigue, beauté, grandeur et sobriété, peur du brouillard dans ce monde sans repères, joies, aligots* (faut quand même pas oublier l’essentiel) ! Bref, que de quoi trépigner d’impatience en attendant de retourner sur ces terres faites pour la traction, mais restons tout de même modéré dans nos espoirs, il y a souvent loin entre le rêve et la réalité. Début janvier . Village d’Aubrac, 10h du matin. Le vent d’autan(S/E) souffle à 60 km/h. Le ciel est bien bleu et le plateau, à perte de vue, m’appelle irrésistiblement. Situé à environ 1 h au nord de Millau, entre les Cévennes et la chaîne des volcans, il présente une altitude moyenne de 1 200 m avec une “ chaîne frontière ” en arc de cercle dans sa partie sud culminant à 1 500 m. Belle vue, y a pas à dire !. Au nord, il s’étire sur un diamètre d’environ 50 km légèrement vallonné mais bien dénudé. Quel terrain de jeu, j’en suis la langue pendante !, même si la neige, un peu humide, m’interroge quand à sa skiabilité. Vite, choisir la bonne taille. Pas évident au début même avec l’expérience du vol libre, les repères ne sont pas les mêmes. Allez, feu pour la 3 m². L’ouvrir, neutraliser le bord de fuite avec de la neige sous peine de devenir dingo en déroulant les lignes ; le vent aime ça, jouer avec la voile et les nerfs du pilote . 25 m semble être la bonne option vu le terrain. Très important ça, la longueur des lignes selon vent et topographie du terrain. Ensuite, vérifier la position des poignées et des 4 lignes. Un peu de méthode et de rigueur seront nécessaire sous peine de laisser l’imprudent en état de transe: vrilles et tours sont monnaie courante. Casque, gants, prêt pour le gonflage ? Envoyer la sauce ! Amortissement de l’effet de traction par une glissade sur les pieds et, direct, vous vient l’idée qu’il aurait peut être fallu chausser les planches avant. Dur travail de précision de chausser les skis avec l’aile dans 60 km/h de vent : essayez pour voir... Harnais, inclinaison de l’aile dans la fenêtre et la magie d’une glissade sur le plat arrive aussitôt. Quel pied ! Beaucoup plus efficace que prévu tout ça. Tranquillement pour commencer, aile haute dans la fenêtre, je limite avec concentration la vitesse. Le souvenir de courses éreintantes pour rattraper l’engin brutalement arraché de mes pognes et l’heure nécessaire pour tout remettre en ordre m’incite à une prudence toute légitime, d’autant plus que là, à 100 m sous mon vent, une belle petite rangée de sapins un peu frustrés par un Noël chiche en décoration n’attend que ma maladresse pour parader avec fierté. Quelques allers retours et la confiance arrive rapidement malgré les rafales musclées. Les heures de travail en statique, la mise en place de réflexes salutaires, les conseils avisés d’Antoine et de Philippe prennent, là, toute leur importance. Encore plus que d’autres, ce nouveau jouet nécessite un apprentissage ; pour la sécurité bien sûr mais aussi pour le plaisir source de toute motivation. Parenthèse faite, le champ dans lequel je viens de commencer, s’avère très vite trop petit. Sensation confirmée de manière générale. Ce truc là, c’est le Sahara ou le Groenland qu’il lui faut. Bon, en attendant d’y être, on va déjà explorer l’endroit présent bien comme il faut et je commence à y percevoir un défaut... : les barbelés ! Il faut dire qu’ici, dès le printemps, c’est le royaume de la vache d’Aubrac. A 1 km de là, je trouve une super belle zone : quelques bosses, de l’espace, un buron* pour faire joli au soleil couchant et, au bout, une vue sur la plaine de Rodez. Tout ce qu’il faut pour tirer des bords et encore des bords, assortis de quelques beaux sauts sans toutefois la prétention d’égaler ceux du flysurf. Quel plaisir, mais quel plaisir ! ! !, il est même double car il dépasse nos espoirs et ça, c’est vraiment satisfaisant. Je terminerai l’après-midi là dessus en me promettant de revenir au plus vite et de partir en distance. Tiens, du cross, ça me rappelle quelque chose ! Ca n’a finalement pas traîné ! La bordure est de l’anticyclone a stagné une semaine, offrant un vent E/NE à 80 km/h sur les hauts de la Lozère et de l’Aveyron, le tout avec un bon –15°c pour l’ambiance. La première journée de cette situation nous a même décoiffé avec 100 km/h ne laissant que l’espoir d’une belle rando à peaux de phoque.

                                    • DEFINITIVEMENT.

Le lendemain, bien habillé, quelques vivres, de l’eau et les peaux de phoques au cas où le vent tombe, c’est tout de même avec un peu d’inquiétude que je lève la Thétis 2,8 sur le rebord de la fenêtre en espérant ne pas m’envoler. Bon, ça à l’air de le faire mais ça va “ envoyer du bois ” comme on dit. Après quelques allers retours torrides sur une neige idéale, bien durcie par le vent et le froid, l’appel du large se fait plus fort, et je pars vent ¾ arrière sur quelques km pour rejoindre les zones bien dégagées. Le passage est un peu technique avec quelques étroits à passer, une descente suivie d’1 km de montée. L’allure n’est pas la plus confortable (c’est exactement comme en voile) : faire voler la voile en permanence pour ne pas détendre les lignes sous peine de fermeture, gérer les passages au sol, etc.. La concentration est importante, mais ça marche vraiment bien. Je passe avec jubilation quelques fondeurs éberlués, j’ai finalement l’impression d’être une voiture de rallye qui double une voiturette sans permis. Ca y est, j’accède aux zones dégagées à perte de vue, l’allure générale va passer au largue, plus sympa pour se lâcher. Les barbelés sont toujours présents par moments, mais ça devient un plaisir de défiler à fond la caisse jusqu’à trouver soit les piquets enfouis, soit le passage laissé libre. J’ai l’impression de me balader dans une sorte de jeu de labyrinthe, ce qui est vraiment paradoxal au vu du paysage. On passe d’une enceinte à l’autre ; trouver le passage, pas dans cette partie ?- pas grave, on remonte au vent (très efficace à ski), ça y est, c’est là. La zone suivante est immense, plus de 3 km avec une grangette au milieu, je n’en partirai pas sans l’avoir parcouru en long, en large et monté en haut du petit cirque au fond. La pente est à environ 30° sur 50 m de dénivelé. J’avoue une petite peur au moment de redescendre ; la situation ressemblait encore bien à un décollage en parapente mais avec une position et un matos diablement différents, je ne maîtrise pas encore bien. Finalement, un peu à la rue ça l’fait quand même. Et c’est reparti pour un dernier passage au vent du buron, le ciel est bleu, l’espace pour moi seulement, c’est complètement enivrant de beauté et de sensations. On ne se lasse pas, plus envie de poser les lignes ! les distances raccourcissent !. L’endroit , au loin là-bas ?, allez, on y va, juste parce que c’est bon et puis ce n’est pas fatiguant, ou, en tout cas c’est ce qu’on pense. Rapidement, le point de départ s’est évanoui à l’horizon, impression de liberté totale, de fragilité aussi, pas intérêt à se faire mal ici quand même, j’ai beau être en radio avec Romain, ce ne serait pas des plus “ zen ”. Arrêt casse-croûte sous le vent d’un buron au soleil. Félicité d’une situation idéale. Avant de repartir, appel radio à Romain qui s’entraîne à 20 km d’ici en statique. Ca ne passe plus. Mon cheminement m’a amené en direction du col de Bonnecombe là-bas au sud-est du plateau. Je sais qu’une petite route y passe avant de descendre les 800 m des contreforts sud. En plus, c’est une *équivalent du chalet d’alpage. possibilité de rentrer à la maison. Ni une , ni deux, je fais demi tour jusqu’à une communication correcte et lui demande de jouer en fin de journée le rôle ingrat du chauffeur de récup, rôle bien connu dans le milieu du vol libre, synonyme d’harmonie dans les couples et de câlins chaleureux le soir au coin du feu.....Je lui suis sincèrement reconnaissant pour son oui franc et massif et me voilà reparti dans l’autre sens avide des 30 km qui me séparent du col. Sans aucun problème, la fin de journée arrive, me gratifiant dans les derniers km d’un coucher de soleil fabuleux. Sur la dernière crête avant le col, le vent s’est renforcé comme pour me dire : “ bon, là ça suffit, trop de plaisir ça devient indécent ”. J’ai maintenant du mal à tenir la voile et le dernier bord contre le vent en descente est laborieux, voire un peu limite. Avant la sanction qui s’annonce, prudemment je replie mon joujou adoré qui, je le sens, ne va plus me quitter, même si, lui, lors du pliage n’a qu’une envie, c’est s’en aller. A 500 m Romain vient d’arriver. On se regarde, le visage en pleine harmonie de couleur avec le ciel, c’est à dire rose violacée, et souriant béatement. Dans la voiture, malgré la fatigue qui se pointe en masse d’un seul coup, l’envie de partager ses émotions et ses expériences nous fera “ tchaper ” un long moment. Encore mieux que ce qu’on imaginait cette affaire là avec toutefois une petite déception contradictoire : c’est presque trop efficace. Je rêve déjà de la Laponie ou du Sahara. Les expériences continueront ainsi sur nos déserts à nous : Mont Lozère, avec le luxe d’une vue sur les Alpes et les Pyrénées en même temps, c’est rare. Ce dôme de 30 km orienté Est-Ouest s’y prête parfaitement dans un cadre à couper le souffle. Ou encore le Larzac avec le buggy et j’espère bien que ça n’est qu’un début. . Après diverses expériences, le ski s’avère un engin tracté de tout premier ordre. Position haute et confortable, vision, mobilité, efficacité : idéal. Mon vécu de pisteur n’y est peut être pas pour rien, mais même avec un petit niveau à ski, le plaisir est là, hein, Romain ?. Et ne prenez pas ce qui est écrit au pied de la lettre ! Comment voulez vous retranscrire la réalité, l’intensité d’un moment vécu ? C’est bien mieux que ça ! Comme dit Greg Child : “ Comment rapporter des émotions, des événements quand une seule seconde de pensée fait exploser un ordinateur. Il manque toujours quelque chose entre l’événement et ce qui en reste. ” Et c’est cette sorte d’éther qui forge profondément la joie de l’activité. N’attendez pas plus d’explications sur le kite, jetez vous dessus ...mais avec méthode. Plaisir garanti ! Et ça tomberait bien parce qu’on a sacrement besoin de petits camarades de jeu pour nos châteaux de sable de grands gamins.

           

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C
une petite question peu ton pratiquer le parapente enceinte et si oui jusqu'a qu'elle moi
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E
Woaow ciel et parapente ça doit être le pied, j'ai toujours rêvé de faire ça sans oser... En tous cas,félicitations, votre blog vient d’être sélectionné pour entrer dans la communauté « Ciel et passions » d’overblog. Si vous le souhaitez vous pouvez vous inscrire gratuitement sur ce lien http://www.over-blog.com/com-1026559459/Ciel_et_passions.html Le but est de recevoir plus de visites de personnes intéressées par ce thème plus général et qui laisseront plus de commentaires. Bonne navigation !
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K
C'est plutôt étonnant !<br />
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